Surdouance et TDAH : ne plus confondre

Les surdoués seraient particulièrement émotifs, se sentiraient en décalage avec leurs pairs et éprouveraient de nombreuses difficultés d'adaptation. Les caractéristiques qui sont souvent attribuées à la surdouance ressemblent pourtant à celles du TDAH. Comment les différencier ?

 

Surdoué, haut potentiel intellectuel (HPI), précoce ou encore "zèbre", les termes sont nombreux pour qualifier la haute performance intellectuelle. Celle-ci est définie par l'obtention d'un QI égal ou supérieur à 130 suite à la passation des tests officiels, auprès d'un psychologue. Le HPI est une caractéristique cognitive et non un diagnostic médical.

Le TDAH est un trouble attentionnel dont la présentation est variable, parfois accompagné d'hyperactivité et d'impulsivité. Il se traduit par un handicap fonctionnel dans plusieurs domaines de la vie quotidienne. Le TDAH est un diagnostic référencé dans les manuels de classification de psychiatrie.

De nombreux thérapeutes affirment encore aujourd’hui que la performance intellectuelle pourrait être un fardeau, avoir des impacts négatifs sur le bien-être, sur l’intégration sociale, la scolarité et sur la vie professionnelle. Pour ces professionnels, être identifié HPI ouvrirait la voie à des accompagnements thérapeutiques spécifiques, à des solutions qui amélioreraient leur quotidien.

Le HPI : un effet Barnum¹ ?

Les principaux traits attribués aux HPI, censés expliquer leur différence et leurs difficultés d’adaptation sont : l’hypersensibilité (la dysrégulation émotionnelle), une plus grande fragilité face aux aléas de la vie, une plus grande anxiété que la population générale, une pensée en arborescence, le fait que les pensées ne s’arrêtent jamais de tourner, une faible estime de soi provenant d’échecs supposément dus au décalage entre les capacités et les demandes scolaires, sociales ou professionnelles. Les HPI sont aussi considérés comme étant naturellement plus créatifs, cette créativité pouvant elle aussi générer frustration et décalage.

Cependant, beaucoup de personnes en souffrance peuvent se reconnaître dans ces particularités, surdouées ou non. Les traits supposément propres aux HPI sont en fait peu spécifiques, ils couvrent un champ très vaste de difficultés, sans lien de causalité avec la performance cognitive. Il a été montré par la recherche que le haut potentiel intellectuel est même un facteur de protection contre la dépression, l’anxiété, les difficultés d’adaptation et d’intégration. Concernant la créativité, il n’y a pas de preuve à ce jour de son lien avec l’intelligence².

 

Le business du dépistage de la surdouance

L’affirmation que le HPI pourrait être à l’origine des difficultés de la personne n’est pas sans intérêt pour certains professionnels. Un portrait flou du surdoué facilite le développement d’une économie du test, accompagnée de suivis en séances ou de divers protocoles thérapeutiques supposés adaptés, mais sans preuve de bénéfice en lien avec le HPI (psychanalyse, neurofeedback, diverses méthodes de développement personnel, etc.).

La défense de ce marché de la douance peut être délétère pour le bien-être des personnes qui consultent, et pose des questions éthiques. L’attribution d’une souffrance à une spécificité qui n’en est pas la cause est susceptible d’entraîner un attachement à une image déformée de soi, qui peut aggraver les difficultés. Par ailleurs, certains qui se reconnaissent dans les "symptômes HPI" n'ont pas nécessairement un QI plus élevé que la population générale. Ceux-ci se retrouvent alors arbitrairement exclus d’une population idéalisée. Le coup à l’ego est à même de contribuer à la souffrance, alors que l’idéalisation entretient une fracture sociale qui n’a pas lieu d’être.

La majorité des thérapeutes pense bien faire en imputant des difficultés socio-adaptatives au fonctionnement intellectuel. Pourtant, une identification erronée des causes des difficultés peut s’avérer néfaste. Le risque est que la personne, déjà vulnérabilisée par sa souffrance se retrouve en situation d’attente perpétuelle, dans la mesure où l’accompagnant ne procèderait pas à l'investigation des causes réelles des troubles³.

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